La guerre du feu (Collection Textes Lus)

Par une rencontre qui n'est pas l'effet du hasard, le goût des jeunes pour les romans d'anticipation s'accorde très bien avec leur intérêt pour ceux qui évoquent la vie primitive. Les plaisirs de l'extrapolation se trouvent aussi bien dans le passé que dans l'avenir. Malheureusement, la belle fantaisie qui préside aux constructions des écrivains de "science-fiction" n'est pas toujours absente des reconstitutions préhistoriques, et de candides lecteurs sont ainsi conduits à admirer, en toute innocence chronologique et avec l'ardeur de leurs douze ans, le courage et la force de grands ancêtres qui combattaient les diplodocus avec des haches de pierre ! Or, il est un auteur qui a su allier une connaissance étendue de la science à l'aube des sociétés humaines. Si l'on ajoute qu'à ces qualités il a joint l'art de construire un récit dramatique, d'en enchaîner et d'en conclure les épisodes, de peindre les lieux et les êtres avec une puissance suggestive étonnante, et qu'enfin sa langue est une des plus belles, des plus spontanément lyriques qui soient au début du XXe siècle, on comprendra l'attrait que J.-H. Rosny aîné exerce et mérite d'exercer sur la jeunesse. Son oeuvre la plus célèbre, La Guerre du feu, publiée en 1911, n'a rien perdu de sa valeur, en dépit des découvertes faites depuis plus de cinquante ans. Sauf sur quelques points secondaires, rien n'est venu démentir l'exactitude d'une information à laquelle des spécialistes contemporains se plaisent à rendre hommage. Et l'esprit qui a su réunir tant de faits épars, imaginer cette sorte d'épopée, cette passionnante aventure de Naoh et de ses compagnons lancés à la reconquête du feu perdu, garde la fraîcheur frémissante qui soulève l'enthousiasme et interdit de fermer le livre avant d'avoir atteint la dernière page. Ce disque présente aux jeunes garçons et aux jeunes filles les scènes les plus captivantes de cette oeuvre d'un intérêt exceptionnel. Il y trouveront une image, aussi fidèle que la science permet de la tracer, de la condition des êtres humains au début du Paléolithique supérieur "aux confins du Moustérien et de l'Aurignacien", il y a quelque quarante millénaires. Ils y découvriront avec émotion non seulement les efforts courageux d'une espèce mal douée pour se défendre contre les fauves, mais encore les cheminements de l'intelligence balbutiante, les premières conquêtes de l'esprit sur les forces aveugles de la nature. Ils y assisteront à la naissance confuse de la vie morale : assistance donnée aux compagnons de combat, pitié pour les ennemis vaincus. Sans doute bien des siècles se sont-ils écoulés pendant que s'accumulaient tant de progrès décisifs, mais c'est le privilège du poète de créer un personnage comme Naoh, synthèse des générations qui ont élevé le sauvage primitif jusqu'aux premiers degrés de la dignité d'homme. L'environnement musical étrange, réalisé grâce aux "structures sonores" Lasry-Baschet, contribue puissamment à suggérer les sentiments qu'éprouve notre héros, ses angoisses et ses espérances.