Joan Baez

Maynard Solomon, co-fondateur de Vanguard, a parlé des débuts de la carrière de Joan Baez sur ses premiers disques.
"Joan Baez, plus que tout autre chanteur folk de son époque, a su atteindre le coeur des amateurs de folk music dès le début. Elle apparaissait alors assez peu en public, mais avait déjà ses admirateurs.
A première vue, elle pratique son art de façon très personnelle, mais elle parvient en fait à incarner les différentes visions et émotions des gens de sa génération. C'est cela qui donne de la profondeur à la façon dont elle voit les choses. Pour tout ceux qui l'écoutent, le message de Joan Baez recèle une sorte d'affirmation douce mais ferme, une sorte de résistance pacifique à travers la chanson folk, parcourue par l'amour et la paix, gentiment, tristement, naturellement, sans apitoiement. Son répertoire est en grande partie issu - mais ne s'y limite pas - de la tradition des ballades anglo-américaines, et, dans une moindre mesure, de la musique noire-américaine, à la fois profane et religieuse. Un des éléments essentiels de son approche est peut-être qu'elle mêle les atouts de chacun de ces styles musicaux. A "Mary Hamilton" et "Henry Martin", elle apporte l'implication personnelle, la chaleur et la sensibilité des Negro spirituals, et à "All my trials" et "House of the rising sun", l'aspect narratif et retenu des ballades traditionnelles. Il en résulte un style qu'on pourrait qualifier d'extase contrôlée, un mélange d'innocence et d'expérience. Pourtant, Joan Baez conserve un sens de l'authenticité stylistique, car elle n'impose pas un seul style musical à chacune de ses chansons.

Joan Baez est représentative de la "nouvelle vague" des jeunes chanteurs folk, ceux qui sont déçus par les tendances commerciales, sur-arrangées et sur-orchestrées des interprétations folk, où la personnalité de l'artiste est sacrifiée au profit de la création de l'arrangeur, où le "son" domine le sens. Elle n'est pas pour autant dans la lignée de ces chanteurs qui s'efforcent d'imiter dans leur musique celle issue d'un riche héritage ethnique, effaçant souvent par la même occasion leurs propres personnalités et encore plus souvent, ôtant à la tradition son dynamisme et sa créativité.

D'origine irlando-mexicaine, Joan Baez grandit à New York, Palo Alto et Boston. Adolescente, elle commence à chanter et jouer de la guitare, mais ne s'intéresse à la musique folk que fin 1958, donnant son premier concert en public dans un café de Boston. Peu après, elle chante au Gate of Horn, à Chicago, et en juillet 1959, elle fait une apparition imprévue mais ovationnée au premier Newport Folk Festival. Elle participe à la deuxième édition du festival, et passe à la télévision américaine dans "Folk Sound, USA", mais préfère ensuite se consacrer aux concerts qu'elle donne dans diverses grandes universités. Elle a alors une vingtaine d'années, époque des chansons de ce disque.

Joan Baez fait partie de ces chanteuses passionnées dont le talent musical et technique l'ont fait reconnaître en tant que véritable artiste dans divers milieux musicaux. Une voix de soprano qui couvre tous les registres, du plus bas au plus haut, une énergie d'enfant de choeur associée à un vibrato intense, une diction claire et une étonnante aptitude à appréhender l'essence de chaque chanson, folk ou douce, sentimentale ou poétique, britannique, mexicaine ou de l'Est américain... sa voix est une voix neuve qui nous parle avec émerveillement et compassion, atteignant et réveillant des zones longtemps oubliées de notre coeur et notre esprit." D'après Maynard Solomon.